La récusation d’un arbitre ne doit pas être exigée tardivement

Dans le monde contemporain où les cabinets d’avocats suivent le courant des affaires et s’imbriquent à l’échelle internationale, il peut paraître facile de récuser un arbitre pour cause de conflit d’intérêts.

Dans le monde contemporain où les cabinets d’avocats suivent le courant des affaires et s’imbriquent à l’échelle internationale, il peut paraître facile de récuser un arbitre pour cause de conflit d’intérêts. Or, il n’en est rien, vu cet arrêt rendu dans un contexte d’arbitrage corporatif.

En l’espèce, dans un contexte d’inexécution contractuelle, un créancier a saisi la Chambre arbitrale de Paris, en application de la clause compromissoire prévue dans la convention, aux fins d’indemnisation du préjudice subi.

Un Tribunal arbitral du second degré statuant dans une procédure arbitrale institutionnelle, organisée conformément au Règlement d’arbitrage de la Chambre arbitrale de Paris de 2002, a confirmé la sentence de première instance ayant débouté le demandeur de sa demande en dommages et intérêts pour cause d’inexécution de ce contrat, puis a condamné le demandeur en récusation à payer à la partie adverse une certaine somme.

Le demandeur forme alors un recours en annulation, sur le fondement de l’article 1502 2° et 4° du Code de procédure civile dans sa rédaction avant la dernière réforme (composition irrégulière du tribunal arbitral, défaut du principe de la contradiction, article 1520 aujourd’hui). Il argue qu’il appartient à l’arbitre d’invoquer lui-même son défaut d’indépendance et dans la négative, le demandeur en récusation n’est pas tenu de démontrer qu’il n’avait eu connaissance des faits invoqués qu’au moment où il a émis sa contestation. Toutefois, la Cour d’appel confirme la sentence arbitrale et il se pourvoit alors en cassation.

La Première chambre civile de la Cour de cassation rejette le pourvoi du demandeur en récusation par un triple attendu :

1. Le demandeur avait eu la possibilité, dès le début de la procédure d’appel arbitrale, de constater que tous les arbitres étaient français et que la liste des arbitres de l’institution en cause ne précisait pas leurs employeurs ;

2. S’agissant d’un arbitrage corporatif, le demandeur ne pouvait ignorer que les arbitres pouvaient avoir des liens professionnels avec les parties et leurs conseils ;

3. Le demandeur en récusation, en excipant tardivement les griefs dont il n’établissait pas qu’il n’en aurait pas eu ou pu avoir connaissance antérieurement, avait manqué à son obligation de loyauté procédurale.

Si les deux premiers attendus nous paraissent étroitement liés aux faits de l’espèce encadré dans un arbitrage corporatif institutionnel disposant d’une liste d’arbitres, le troisième, imposant aux parties en vertu du principe de loyauté procédurale d’exposer les griefs sans tarder, nous parait avoir une portée générale. Dire le contraire signifierait permettre aux parties de manipuler les griefs afin de retarder la prise de décision et de compromettre l’instance arbitrale ou étatique. En revanche, la charge de la preuve du manquement à l’obligation de loyauté procédurale devrait, en principe, incomber à celui qui l’invoque, c’est-à-dire à la partie adverse.

L’arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation en date du 19 décembre 2012 (numéro de pourvoi 10-27.474) est consultable en cliquant sur le lien suivant :

http://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000026815168&fastReqId=1852988966&fastPos=1. 

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